Histoire

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Prisonniers pour leur foi

Graffitis protestants dans la salle des prisonniers de la tour de Constance

Si les premiers prisonniers de la tour de Constance ont été des templiers, c’est bien l’enfermement des protestants pour leur foi que l’histoire a retenu.

La tour de Constance est un lieu de mémoire pour les protestants, la ville s’inscrit dans l’histoire du protestantisme français, de la paix d’Aigues-Mortes conclue entre François Ier et l’empereur Charles Quint, jusqu’à la libération des dernières prisonnières de la tour, en 1768.

Les premiers prisonniers protestants

En octobre 1560, un prédicateur, Hélie du Bosquet, est emprisonné dans la tour avec quelques-uns de ses auditeurs. Quelques jours plus tard, ils seront pendus par ordre du maréchal Villars. Ce sont les premiers prisonniers protestants de la tour. 

Trois figures émergent parmi les prisonniers de la tour

Paul Ragatz 

En 1688 est incarcéré dans la tour un soldat Suisse, Paul Ragatz, qui entretient, au travers de l'oculus, des conversations (sans doute le chant de psaumes) avec les femmes de la salle basse. Pour interrompre ces troubles, l'administration fait maçonner l'ouverture. C'est sans doute la raison de la présence de la meule  dans la salle haute, dont le diamètre correspond à l'encoche de l'oculus .
 

Meule et oculus de la salle haute de la tour de Constance
Meule et oculus de la salle haute de la tour de Constance

© B. d’Ingrando / Centre des monuments nationaux


Abraham Mazel

Abraham Mazel et trente-trois camisards  placés sous ses ordres sont pris en 1704 et jetés dans la salle haute. En juillet de l'année suivante, grâce à la réalisation d'un outil tranchant (à partir d'un clou ? d'un morceau de ferrure de la porte ?), Mazel et ses hommes parviennent à desceller la pierre inférieure d'une archère (sans doute l'archère est) en trois jours et trois nuits, puis à s'enfuir à l'aide d'une corde faite de leurs chemises.

Mazel et seize de ses compagnons parviennent à s'échapper avant que la corde ne casse, précipitant un dix-septième homme dans le vide, qui se brise un membre en atterrissant, ce qui donne l'alarme.

L'affaire fera grand bruit : le lieutenant du roi et le major d'Aigues-Mortes sont démis pour manquement. On installe un garde sur le mur conque et des grilles aux archères. À partir de 1717, il n’y aura plus que des femmes incarcérées dans la tour.
 

Graffitis protestants dans la salle des prisonniers de la tour de Constance

© Philippe Berthé / Centre des monuments nationaux


Marie Durand 

Marie Durand est sans doute l'emblème des captives de la tour. Originaire du Bouschet de Pranles, en Ardèche, elle est enfermée à 19 ans, en 1730, alors que son père et son mari, Matthieu Serres, sont incarcérés au fort de Brescou, au large d'Agde.

La raison : parvenir à l'arrestation de Pierre Durand, frère de Marie, pasteur du désert qui prêche la révolte contre les hommes du roi. L'épouse enceinte de Pierre a pu fuir jusqu'en Suisse et Pierre se cache dans les Cévennes. Il sera arrêté en 1732, jugé sommairement à Montpellier et exécuté.

Matthieu Serres restera enfermé pendant 20 ans, son beau-père, 23 ans, et Marie... 38 ans. Tout au long de sa captivité, Marie écrit aux autorités françaises et étrangères pour essayer d'infléchir la politique du roi envers les protestants. Une partie de cette correspondance, puis celle qu'elle entretiendra avec sa nièce - à partir de 1751, et qui viendra lui rendre visite tout un mois, en juillet 1759 - et les listes de ses compagnes d'infortune qu'elle établit, plus ou moins régulièrement, ont été conservés et publiés. C'est une source pour connaître le quotidien de ces femmes.
 

Gravure REGISTER sur la margelle de l’oculus de la salle des prisonnières dans la Tours de Constance
Gravure REGISTER sur la margelle de l’oculus de la salle des prisonnières (Tours de Constance)

© Romain Veillon / Centre des monuments nationaux

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